lunes, 21 de octubre de 2013

La situation d’énonciation.



La notion de « situation d’énonciation » prête à équivoque dans la mesure où l’on est tenté d’interpréter cette « situation » comme l’environnement physique ou social dans lequel se trouvent les interlocuteurs. En fait, dans la théorie linguistique d’A. Culioli, qui l’a conceptualisée, il s’agit d’un système de coordonnées abstraites qui rendent tout énoncé possible en lui faisant réfléchir sa propre activité énonciative. C’est dans ce cadre que sont définies les trois positions d’énonciateur, de co-énonciateur et de non-personne.

— La position d’énonciateur est le point origine des coordonnées énonciatives, le repère de la prise en charge modale. En français le pronom autonome JE en est le marqueur ;
Entre l’énonciateur et le co-énonciateur (dont le marqueur est TU en français) il existe une relation de « différence », d’altérité : ces deux pôles de l’énonciation sont à la fois solidaires et opposés sur le même plan. Le terme « co-énonciateur » n’est toutefois pas sans danger pour peu qu’on l’interprète, à tort, dans le sens d’une symétrie entre les deux positions.

— La position de non-personne est celle des entités qui sont présentées comme n’étant pas susceptibles de prendre en charge un énoncé, d’assumer un acte d’énonciation. Entre cette position et celles d’énonciateur et de co-énonciateur, la relation est de « rupture ». C’est pour cette raison qu’Emile Benveniste a préféré parler de « non-personne » plutôt que de « 3° personne », comme le faisait la tradition grammaticale. A la suite de ses travaux, on a abondamment décrit les divergences linguistiques entre les énonciateur/co-énonciateur, d’une part, et non-personne d’autre part ; l’une des plus remarquables est l’impossibilité de substituts anaphoriques pour les marqueurs des positions d’énonciateur ou de coénonciateur : on ne peut que répéter je ou tu Je sais que je suis en retard »), alors que
la non-personne dispose d’une riche panoplie de procédés anaphoriques, lexicaux ou pronominaux.

Ces trois positions autorisent aussi ce que Benveniste appelle des personnes « amplifiées » ou « dilatées » (en français nous et vous), qui correspondent aux positions respectives d’énonciateur et de co-énonciateur. La catégorie du pluriel n’est pas pertinente ici. Dans cette perspective, le « nous » ne s’analyse pas, en effet, comme l’addition de divers « je » : c’est un « je » qui s’associe d’autres sujets et qui peut même ne référer qu’à un seul sujet (cf. le « nous » dit de majesté).

Ce système de coordonnées personnelles de la situation d’énonciation est à la base du repérage des déictiques spatiaux et temporels, dont la référence est construite par rapport à l’acte d’énonciation : maintenant marque la coïncidence entre le moment et l’énonciation où il figure, ici un endroit proche des partenaires de l’énonciation, etc. Il permet aussi de distinguer entre deux plans d’énonciation : d’une part les énoncés « embrayés » qui sont en prise sur la situation d’énonciation (le « discours » de Benveniste) et d’autre part les énoncés « non-embrayés », qui sont en rupture avec cette situation d’énonciation (l’ « histoire » de Benveniste, mais élargie ensuite à des énoncés non narratifs).

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