La linguistique de l’énonciation
1.
Définition :
L’énonciation est l’acte individuel de production, d’utilisation de la
langue dans un contexte déterminé, ayant pour résultat l’énoncé.
L’énonciation est un acte de création.
Les deux termes s’opposent comme la
fabrication s’oppose à l’objet fabriqué.
2.
Historique :
Ce courant s’inscrit dans le prolongement de
la grammaire structurale des années 60-70.
Le courant énonciatif approfondit les
concepts mis en place dans les années 50 et 60 par le linguiste Emile Benvéniste.
3.
Objectif
Ce courant s’efforce de tenir compte de la position de l’énonciateur,
du locuteur dans la production d’un énoncé donné. La langue n’est plus considérée comme un objet inerte.
Le linguiste a une conception dynamique de la langue qui n’est
plus un simple puzzle mais une stratégie, un agencement conscient, réfléchi des diverses pièces de la langue.
« l’énonciation est cette mise en
fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation » E. Benvéniste, PLG, II, p80.
Nous avons distingué la phrase, entité
linguistique de l’énoncé, ce qui est énoncé à l’écrit ou à l’oral en tenant compte
du contexte et du co-texte.
4.
Quelle est la différence entre l’énoncé et
l’énonciation ?
« Enoncé » est un participe passé devenu substantif : ce qui
est énoncé, passé avec valeur résultative. C’est le résultat de l’énonciation.
L’énonciation : le suffixe –ation marque
l’action. C’est la prise en
compte de l’acte et de la manière d’énoncer mais aussi la situation (temps,
lieu..) et celui qui est à son origine : l’énonciateur.
La tâche du linguiste est alors sans
limites : pour prendre en compte
la situation, il peut étudier le kinésique : mimiques, mouvements, postures,
gestes qui accompagnent l’énonciation. Il peut entrer dans des considérations
psychologiques, sociales, historiques etc…
En linguistique on se bornera à étudier les
marques de l’énonciation : tout ce qui dans le dit (ce qui est produit) dénonce du dire (ce qui est
en train d’être signifié, dit).
5.
Les embrayeurs et les déictiques :
Il existe dans le discours une série de
termes par
lesquels un locuteur se définit comme sujet. C’est le cas principalement
de nombreuses unités de langue qui ne prennent sens qu’à l’occasion d’un acte particulier d’énonciation et qu’on a appelé embrayeurs :je, ici, maintenant
(ego, hic, nunc).
Embrayeur : traduction française de l’anglais
« shifter » de N. Ruwet emprunté à Jakobson.
To shift =changer de place.
Définition :
L’embrayeur met l’accent sur le lieu et l’objet de
référence.
Le déictique met l’accent sur la façon de le référent situer
dans l’espace.
Les embrayeurs et les déictiques constituent les aspects indiciels
du langage.
« Je » et « ici » demandent que le locuteur
soit
Connu « Maintenant » demande que le temps de
l’énoncé soit connu
Dans un énoncé, certains mots peuvent
renvoyer à l’acte et aux circonstances d’énonciation :
Je viendrai ici demain
Paul partit là-bas le lendemain.
Dans le premier énoncé : chaque mot renvoie à
l’énonciation.
Je = énonciateur
Viendrai + demain = futur par référence au
moment où est énoncée cette phrase.
Ici = par référence à l’endroit où se trouve
l’ énonciateur (je).
Dans le second énoncé, nous ne possédons
aucun renseignement sur l’énonciation.
Ces mots font le lien entre l’énoncé et l’énonciation
et n’ont de sens qu’en rapport avec les circonstances de l’énonciation.
Embrayer signifie couramment établir la
communication entre les mots
Les embrayeurs peuvent être classés en 3
types ou repères :
-le repère subjectif
-le repère spatial
-le repère temporel
a) Les embrayeurs subjectifs :
a-1) Les pronoms personnels
a-2) Les pronoms possessifs
Il, elle, ils, elles sont représentants et
anaphoriques.
Je, tu, nous, vous ne sont pas anaphoriques et ne sont pas
commutables avec un nom (je viens n’est pas commutable avec *Paul vient) et
entrent dans le cadre de l’énonciation.
b) Les embrayeurs temporels :
Il existe deux types d’embrayeurs temporels :
-certains temps verbaux
-certains adverbes ou groupes nominaux
adverbiaux
b-1)-Les temps verbaux :
Le temps par excellence de l’énonciation est
le présent.
Mais le temps de l’énonciation et le temps
linguistique ne coïncident pas toujours :
Je suis absente cet après-midi
Temps de l’énonciation : quelques secondes
Temps linguistique : 4 ou 5 heures.
Seuls les verbes qui expriment l’acte au
moment où celui-ci a lieu font coïncider temps de l’énonciation et temps linguistique
: ce sont les verbes performatifs
Je te baptise
Je déclare la séance ouverte
Je vous nomme chevalier de la légion d’honneur
Les temps qui ont pour référence le moment de
l’énonciation sont :
-le passé composé (marqueur d’antériorité)
-le présent
-le futur simple du présent (marqueur de postériorité)
b-2) Les circonstants temporels :
Hier, aujourd’hui, demain, maintenant qui ont
pour repère le moment de l’énonciation
Contrairement à : ce jour-là, le lendemain,
la semaine suivante…, qui ont pour repère le moment de l’énoncé.
Exemples :
Il se réveilla tard. La veille il avait fait la fête.
(«avait fait » et « la veille » marquent l’antériorité
par rapport au passé simple : se réveilla, moment de l’énoncé)
Il est malade aujourd’hui. Hier, il a mangé des huîtres. (hier et a
mangé marquent l’antériorité par rapport à aujourd’hui, moment de l’énonciation).
c) Les embrayeurs spatiaux :
Les déictiques :
Certains linguistes utilisent le terme de
déictique au lieu d’embrayeur.
Le mot grec (deiktikos) signifie démonstratif
et vient du substantif deixis, l’acte de montrer.
Toutefois il semble plus judicieux de garder
l’appellation déictique pour les embrayeurs qui
peuvent s’accompagner, de la part du locuteur, d’un geste de monstration. C’est
le cas des démonstratifs.
c-1) Les démonstratifs et adverbes de
lieu :
Viens ici.
L’adverbe de lieu renvoie au lieu où je me
trouve en tant que locuteur. Je peux aussi joindre le geste à la parole.
Donne-moi ça.
Le pronom démonstratif –ça- désigne un objet
se trouvant dans le lieu où se situe l’échange. Le geste peut aussi accompagner
la parole.
Je peux dire : Donne-moi ça et ça et ça
aussi.
Je ne peux pas dire : viens ici et ici et
ici.
D’où le terme de déictique qui est le mieux
approprié.
d) Les adverbes d’énonciation :
Ces adverbes sont incidents non à l’énoncé
mais à l’énonciation.
Fonctionnement et rôle :
1-Il est gravement malade
2-Il marche lentement
3-Je suis très vivement intéressé.
4-Il est probablement chez sa cousine
5-Heureusement, il est arrivé à temps = si je
parle franchement.
Dans les trois premiers énoncés, l’adverbe
porte sur un élément dont il modifie le sens.
Dans l’énoncé 4, l’adverbe porte sur l’ensemble
de l’énoncé.
Enoncé 5 : l’adverbe porte sur l’énonciation.
Lorsqu’on parle, on utilise fréquemment des
adverbes d’énonciation ou des infinitifs prépositionnels qui ont la même valeur
:
Honnêtement, sincèrement, vraiment, pour
parler net,
Pour être franc,…
Ces adverbes représentent souvent le
démarrage d’un raisonnement :
Si je dois être franc, honnête, dire la
vérité…
Puisque tu me demandes d’être franc…
La position de l’adverbe a une incidence
sémantique sur l’énoncé
Parmi les modalisateurs d’énoncé on peut
ranger:
Sans doute, certainement, sûrement, selon
moi, d’ailleurs…
Toutes les modalités de phrase sont porteuses
de modalisations :
-la phrase interrogative
-la phrase injonctive
-la phrase exclamative
-la phrase déclarative
Ces opérations aident à comprendre qu’un
énoncé ne peut être compris de façon isolée mais saisi au sein de tout un
ensemble d’énoncés possibles qu’on peut retrouver par paraphrase et à l’intérieur desquels un choix d’énoncés est
fait, et que commande la situation d’énonciation.
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